Le culte de la Liberté

Le culte de la Liberté

mercredi 7 février 2018

Et si on rouvrait le débat sur la laïcité de l'Etat ?

Suite à un article dans l'Echo avec ce titre, j'ai envoyé une réaction au journal.
Veuillez trouver ici cette réaction et l'article original.

Lettre ouverte à Richard Miller

Cher Monsieur Miller,
C’est avec intérêt que j’ai pris connaissance de votre proposition d’introduire dans la Constitution “que la loi civile prime la loi religieuse”. Pour vous, selon l’Echo [1] qui le rapportait, il est important de comprendre que “nous évoluons dans un pays où la croyance religieuse ne dicte pas la loi, ceci avec tout le respect que j’ai pour les convictions et les engagements religieux”.
Vous comprendrez qu’en tant que pasteur, cela m’intrigue et me pousse à poser certaines questions. Je vous accorde sans problème que la croyance religieuse ne devrait pas dicter la loi civile. Les Protestants ont payé assez cher cette confusion de par le passé pour ne pas en être convaincus. Cependant, j’aurais été heureux d’avoir eu un peu plus de précision.
Par exemple, où commence la loi religieuse ? Inclut-elle toutes les religions dans notre pays ? L’autre matin, à la RTBF, on a pu entendre le Grand Maître du Grand Orient de Belgique. La franc-maçonnerie, est-elle incluse dans votre proposition ? Après tout, elle présente bien un phénomène religieux avec ses symboles, ses temples et ses “frères et sœurs”. Au 19me siècle, la politique était préparée dans les loges. A-t-on résisté à la tentation depuis ? Dans l’émission, on a pu entendre que les grandes questions éthiques, comme l’avortement, ont aussi été au programme de loges. Vous croyez vraiment que ce fut seulement un gentil bavardage autour d’une tasse de thé ? N’est-ce pas un fait flagrant de la croyance religieuse qui dicte la loi civile ?
Qu’en est-il du culte laïc ? Vous savez aussi bien que moi que la laïcité fait partie des cultes rémunérés en Belgique. Il n’est pas besoin d’être initié pour comprendre qu’elle joue un rôle pesant dans la transformation de la loi civile. Peut-être même que votre proposition se confond avec le positionnement de ce culte ? Je l’écris, vous vous en doutez, “avec tout le respect que j’ai pour les convictions et les engagements religieux”.
Qu’en est-il de la Charia ? Votre proposition vise-t-elle la lente pénétration de la Charia dans le domaine public ? La croissance rapide de la communauté musulmane fait craindre à beaucoup de nos concitoyens le pire. Combien de prisons du royaume subissent déjà l’incrustation de cette loi ? Votre proposition s’inscrit-elle contre cela ? Que la question est urgente se lit sans peine dans les chiffres suivants : En Allemagne, 47% et en Suède 52% des Musulmans croient que la Charia est plus importante que la loi nationale. [2] Chez nous, ces chiffres seraient-ils si différents ?
Et les Protestants ? Il se fait que les Protestants n’ont pas de loi imposée par leur religion. Il n’y a pas non plus de structure qui puisse imposer une telle loi, même si elle devait exister. Oui, mais qu’en est-il de la Bible ? Soulignons qu’elle prescrit expressément d’être soumis aux autorités publiques. Elle ne connaît qu’une seule limite réelle à cette soumission, exprimée par les apôtres dans la question suivante : “Est-il juste devant Dieu de vous obéir, plutôt qu’à Dieu ?” (Actes des apôtres 4.19) Cela ne sert pas d’échappatoire facile pour s’opposer au gouvernement. A plusieurs reprises, des Protestants ont préféré fuir leur pays pour retrouver la liberté de croire ailleurs, plutôt que de s’inscrire dans une résistance armée contre les autorités.
Un exemple pratique pour éclairer ces choses. Un grand nombre de Protestants ont de réels problèmes avec les changements récents de ce que j’appellerai la loi morale. Je parle des changements récents dans des questions comme l’avortement. Le vrai problème, il me semble, se situe plutôt chez ces groupements religieux qui ont tout fait depuis 40 ans pour saper la loi civile en vue de la changer. J’écris ‘religieux’, mais c’est de l’antireligion dans son sens le plus sombre qu’il s’agit. Et vous voudriez exiger la primauté de cette loi civile réaménagée ?
Qu’allez-vous faire de ces croyants qui préfèrent mourir – je pèse mes mots – plutôt que de se plier à des lois en flagrante contradiction avec leur conscience éclairée par la Parole de Dieu ?
La mort de William Tyndale à Vilvorde
pour avoir traduit et distribué la Bible
Ce qui soulève la question des sanctions sans lesquelles une telle loi n’aurait de sens. Que proposez-vous quand des églises préféreront respecter la Parole de Dieu plutôt que les autorités publiques là où ces autorités outrepassent le cadre de la loi civile pour s’aventurer dans celui de la loi morale ? Allez-vous fermer ces églises et réintroduire la persécution religieuse ? Les mettre à l’amende ? Créer des camps de rééducation comme dans les pays communistes d’un passé encore bien trop récent ?
Est-il vraiment besoin de réveiller les vieux fantômes qui ont hanté notre pays autrefois ? Il faut sans doute légiférer là où le désordre menace de porter atteinte à l’intégrité de l’Etat, mais, de grâce, sans risquer de déclencher une croisade laïque contre ceux qui vivent paisiblement leur foi. J’imagine que vous êtes un homme qui aime la liberté. S’il vous plaît, laissez-nous vivre la nôtre !
Cher Monsieur Miller, merci pour votre attention et pour la franchise de votre propos. J’ai essayé d’y répondre avec une franchise comparable.





Et si on rouvrait le débat sur la laïcité de l'Etat?

 © BELGA
Les libéraux francophones et néerlandophones souhaitent relancer les travaux sur les valeurs fondamentales de la société. Richard Miller (MR) va jusqu'à vouloir introduire dans la Constitution que la loi civile prime la loi religieuse.
Le chef de groupe Open VLD à la Chambre, Patrick Dewael, a écrit au "collège des présidents de la Chambre". Il souhaite relancer les travaux "sur le caractère de l'Etat et les valeurs fondamentales de notre société". Le sujet était à l'ordre du jour du groupe de travail parlementaire qu'il présidait avant que les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ne viennent bousculer l'agenda des députés, lit-on dans "Le Soir".
La demande est soutenue par le MR Richard Miller. Il propose d'inscrire dans un préambule à la Constitution: "La Loi civile prime sur la loi religieuse". Il imagine un préambule constitutionnel rédigé "en plusieurs langues, pas seulement les langues nationales", prônant une série de principes fondamentaux comme la liberté d'expression, l'égalité hommes-femmes, le respect du droit du travail, ou encore la liberté d'enseignement.
Pour Richard Miller, il est important de comprendre que "nous évoluons dans un pays où la croyance religieuse ne dicte pas la loi, ceci avec tout le respect que j'ai pour les convictions et les engagements religieux".
Les états-majors des partis aviseront dans les prochains jours, quand ils auront pris connaissance de la proposition en bonne et due forme. Mais quelles sont les chances de voir cette proposition aboutir?
→ Les socialistes se montrent favorables à l'introduction de la laïcité de l'Etat.
→ Même positionnement au sein de DeFi.
→ Dans le chef des verts, on se dit ouvert à la discussion mais ils craignent un feu de paille qui ne règle pas les problèmes plus profonds de la société.
→ Le cdH se déclare ouvert à une révision de la Constitution sur ce thème.
→ On note plus de réticences en Flandre et principalement dans le chef du CD&V là où la N-VA avance avec prudence.  
Source: Belga, L'Echo

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire